Leadership libéral : Amadou Bâ, Idrissa Seck et Karim Wade dans la guerre de trois

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La présidentielle qui s’annonce, se joue également dans la famille libérale. L’enjeu est de savoir qui d’Amadou Bâ, Idrissa Seck ou Karim Wade, va se positionner en figure emblématique du libéralisme.

Leadership libéral : Amadou Bâ, Idrissa Seck et Karim Wade dans la guerre de trois

C’est une lice inédite qui s’’offre aux électeurs à la présidentielle du 25 février 2024. Trois grosses pointures vont devoir se battre pour arracher la place du vrai leader du courant libéral. Amadou Bâ de Benno Bokk Yakaar (BBY), Idrissa Seck de Rewmi et Karim Wade de Wallu Sénégal, sont tous candidats et héritiers du président Abdoulaye Wade. Chacun va prêcher pour sa chapelle. Ils vont même, sans doute, s’affronter sur le terrain. Une bagarre loin d’être ordinaire, car il s’agit de voir lequel d’entre eux incarnent le mieux le courant libéral. Si Wade a été et demeure encore le chef de file des libéraux au Sénégal, rien en revanche ne permet de trancher, a priori, la guerre de trois qui s’annonce au cours de cette présidentielle.

« Il (Abdoulaye Wade) nous a inspirés sur les valeurs du libéralisme. Premier à embrasser la voie du libéralisme à une époque où l’idéologie dominante était plutôt marxiste, léniniste, et socialiste en Afrique, Abdoulaye Wade a osé. Nous sommes les héritiers de ce libéralisme, et je le salue. » Cette déclaration est du chef de l’Etat Macky Sall, qui s’exprimait ainsi lors du Sommet RENEWPAC (Renew Europe, Pacific, Africa and Caribbean), ouvert le 3 décembre dernier, à Dakar. Une initiative du groupe Renew Europe au Parlement européen destinée à rendre une nouvelle fois, hommage au troisième Président du Sénégal indépendant.

Au cours de la rencontre, Gilbert Noël Ouédraogo, président du Réseau libéral africain, a également qualifié Me Abdoulaye de « père du libéralisme africain », ajoutant tenir à « remercier le Président Macky Sall, pour son engagement en faveur de l’essor des valeurs libérales en Afrique et dans le monde ». Aujourd’hui, la famille libérale s’est fracturée en trois entités, qui ne se donneront aucun cadeau pour se hisser au sommet. Il s’agit, en vérité, d’une bagarre pour s’imposer en leader d’un courant politique, à l’origine porté par le Parti démocratique sénégalais (PDS).

D’après le journal « Point Actu », le candidat de BBY, Amadou Bâ, semble être en pôle position. Il hérite de la grosse machine de la coalition au pouvoir. Une coalition adossée à plusieurs formations politiques, dont le Parti socialiste (PS) et l’Alliance pour les forces de progrès (AFP). BBY est aux affaires depuis 2012. Son chef de file Macky Sall, président de la République, n’est pas candidat. Il va devoir se tenir en arbitre du jeu politique. Mais depuis quelques temps, le chef de l’Etat multiplie les tournées à l’intérieur du pays, à l’allure de campagne électorale. Il prend ensuite des mesures, visiblement, à portée électorale, comme l’indemnité forfaitaire spéciale accordée aux militaires invalides à la retraite.

Cette mesure sociale exceptionnelle touche plus de 2 000 militaires et montants alloués varient de 2.000.000 à 5.000.000 FCfa. En plus, Amadou Bâ, socialiste converti au libéralisme il n’y a guère longtemps, cultive à merveille son passé politique. Aussi bien dans le camp du PS que de l’AFP d’extraction socialiste, le candidat de BBY garde encore, sûrement, de solides liens décisifs dans la bataille de février 2024. Même s’il ne lui arrive quasiment jamais d’évoquer son appartenance au courant libéral, Amadou Bâ part favori pour en incarner le leadership.

Le PM fera face à Idrissa Seck, un autre héritier du courant libéral. C’est le courant politique qu’on lui connaît. Directeur de campagne de Wade en 1988, à l’âge de 29 ans, Idrissa Seck est encore maître d’œuvre en 1993 et à l’historique présidentielle de 2000. Trois fois candidat à l’élection présidentielle (2007, 2012 et 2019), « Mara » s’est classé 2e à deux reprises. Maire de Thiès pendant de longues années, Idrissa Seck garde une solide base politique dans la capitale du rail. Il a divorcé avec le « pape » du libéralisme au Sénégal, bien avant sa chute en 2012.

Le conflit entre les deux hommes semble profond, comme en témoignent les propos fielleux qu’il a tenus à l’endroit de Wade et de Wade-fils, lors de sa déclaration de candidature. Impossible n’est pas politique, dit-on, mais très peu parieront d’une probable réconciliation avec l’ancien président Wade. Au scrutin de 2019, Idrissa Seck, appuyé par une forte coalition où on comptait Mamadou Lamine Diallo, Abdoul Mbaye, Pr. Amsatou Sow Sidibé et Khalifa Ababacar Sall, est arrivé 2e derrière Macky Sall. Jusque-là, on n’a aucune idée de la composition de sa coalition. Mais il est clair que sa machine de 2019 sera fortement amputée de plusieurs ténors, décidés à briguer les suffrages des Sénégalais.

Le troisième de la guerre de trois, est Karim Wade. Il s’appuie en premier sur l’aura de son père, le chantre du libéralisme sénégalais. Reclus depuis plus d’un an, Me Wade ne cesse, cependant, de manœuvrer pour son fils. C’est d’ailleurs cela qui lui a valu d’être battu en 2012, avec ce que l’opposition avait qualifié, alors, de dévolution monarchique du pouvoir. Que vaut l’aura de Wade aujourd’hui ? Impossible de répondre correctement à cette question.

Même si la coalition qui appuie la candidature de Karim Wade, Wallu Sénégal, a pu engranger 24 députés aux dernières Législatives. Resté en exil au Qatar depuis 7 ans, Karim Wade n’a parlé à ses militants qu’à travers les réseaux sociaux. Il échange, sans doute, régulièrement, avec les ténors de son camp et les militants à la base. Mais, son retour au bercail reste encore hypothétique, même si les libéraux multiplient les signaux donnant à croire que le fils de Wade va bientôt débarquer. La presse a même annoncé ses premières visites, notamment à Touba, une fois qu’il aura foulé le territoire national. Jamais candidat à une élection, Karim Wade, coupé du terrain, a plusieurs handicaps à surmonter.

Certes, en prévision de la présidentielle de février 2024, Gilbert Ouédraogo a appelé les libéraux à la solidarité : « Vous avez eu le pouvoir depuis quelques décennies, et vous avez l’opportunité de le maintenir. Cela dépend de vous. Unissez-vous pour que les libéraux restent au pouvoir». Les libéraux vont, hélas, sûrement, se crêper le chignon, avant d’envisager d’éventuelles retrouvailles.

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