Sahel : Pourquoi la présence de l’armée française est plus qu’indispensable !

0 13

 Les chefs d’état de la Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Tchad se sont succédés en France en ce début 2023. Ce fut d’abord Alassane Dramane Ouattara qui a été reçu par Emmanuel Macron le 25 janvier. Il sera suivi par Macky Sall le 31 janvier avant que Mahamat Idriss Deby ne foulât les perrons de l’Elysée le 6 février.

Et rien n’indique que c’est fini.

Un ballet soutenu de présidents de la sous région qui intervient quelques jours après que la France eût reçu une note diplomatique des autorités Burkinabé dénonçant les accords militaires liant les deux pays et signés le 17 décembre 2018.

« Le gouvernement burkinabè a dénoncé mercredi dernier l’accord qui régit depuis 2018 la présence des forces armées françaises sur son territoire. ( …) Cette dénonciation faite le 18 janvier 2023 donne selon les termes de l’accord du 17 décembre 2018 un mois aux Forces armées françaises pour quitter le territoire burkinabè » selon l’Agence d’information Burkinabé ( AIB)

En clair, Ibrahim Traoré le chef de la junte Burkinabé demande le départ de la force Sabre installée au camp Camboisin dans les faubourgs de Ouagadougou.

La réponse de la France ne s’est pas fait attendre :

« Nous avons reçu formellement la dénonciation, par le gouvernement burkinabé, de l’accord de 2018 relatif au statut des forces françaises présentes dans ce pays. (…)  Conformément aux termes de l’accord, la dénonciation prend effet un mois après la réception de la notification écrite. Nous respecterons les termes de cet accord en donnant suite à cette demande. »

 

La France qui a reçu la dénonciation le mardi 24 janvier, a donc jusqu’au 24 février pour retirer ses militaires du Burkina faso.

En vérité la Force Sabre, placée sous la supervision de la Coordination des Opérations Spéciales, une plateforme interarmes (armées de terre, mer et air) et qui regroupe 400 membres n’avait pas vocation à intervenir au Burkina Faso, ni même à s’y installer. Elle a été créée en 2009 par Nicholas Sarkozy pour faire face à la montée en puissance au Sahel, des Islamistes du Groupe Islamique Armée (GIA) qui après leur défaite face à l’armée algérienne, se sont refugiés au nord du Mali à partir de 2002 et où ils formeront le Groupe Salafiste pour le Prédication et le Combat., le GSPC. Ses principaux leaders étaient Hassan Hatab, Adnan Abu Walid-al Sahraoui, Abdel Maleck Droukdel, Jamel Okacha, Moctar Ben Moctar et Abu Zeid . Ils feront allégeance à Al Qaeda en 2007 pour devenir Al Qaeda au Maghreb Islamique avant que Moctar Ben Moctar ne se retirât pour créer son propre groupe, les Signataires par le sang, suivi de Adnan Abu Walid al-Sahraoui qui formera le Mouvement pour l’Unicité du Djihad en Afrique de l’Ouest, le MUJAO. Les deux mouvements fusionneront pour donner Al-Mourabitoune avant de se séparer en 2015.

Abu Zaid sera à l’origine de la prise d’otage du site d’Areva à Arlit, au Niger en septembre 2010. Cinq français, un Malgache et un Togolais seront faits prisonniers par les Djihadistes. Quant à Moctar Ben Moctar il est l’auteur de la prise d’otage du site gazier d’In Amenas en Algérie le 16 janvier 2013.

C’est pour neutraliser ces chefs djihadistes qui menaçaient le Sahel que la force Sabre a été mise sur pied. La Mauritanie et le Mali approchés refuseront de l’accueillir par peur de représailles de la part des terroristes. Le président Burkinabé Blaise Compaoré acceptera à condition qu’elle se fasse discrète. Ce n’est que le 17 décembre 2018 que le président Roc Marc Kaboré assailli par les terroristes, donnera un cadre juridique à la présence française au Burkina Faso.

La Force Sabre qui a largement rempli sa mission. En effet, Adnan Abu Walid al-Sahraoui devenu chef de l’ Etat Islamique au Grand Sahara, Abdel Maleck Droukdel chef d’ Aqmi et probablement Moctar Ben Moctar ont tous été neutralisés par elle. Sans compter les innombrables autres opérations moins médiatisées.

Son départ du Burkina Faso pose la question de son point de chute, et de manière plus générale, la réarticulation de l’armée française au Sahel après la fin de l’opération Barkhane et Takuba au Mali.

Le président Macron s’était justement donné jusqu’au mois de février pour trouver une solution à l’épineuse équation, en collaboration étroite avec les chefs d’état de la sous région. Les visites d’Alassane Dramane Ouattara, de Macky Sall et de Mahamat Idriss Déby tombent donc sous le sens.

La donne Burkinabé ajoute une autre inconnue à l’équation et rend le sujet encore plus brulant.

Que ces visites présidentielles interviennent juste une semaine après la dénonciation le 18 janvier 2023 des accords par Ouagadougou, offre une idée de l’urgence de la situation.

Elle est d’autant plus corrodante que les chefs d’état africains n’ont plus les coudées franches.

Le temps des tête-à-tête entre président français et africain est terminé.

Une opinion publique africaine de plus en plus hostile à la France est venue mettre fin à l’idylle.

Les chefs d’état africains marchent sur des œufs. Ils savent qu’ils risquent gros en accueillant ouvertement les soldats français sur leur sol.

En effet, pour la jeunesse africaine, l’heure est plutôt au départ qu’à l’arrivée de soldats français.

Macky Sall, Alassane Dramane Ouattara, Mahatma Idriss Déby et Mouhamed Bazoum du Niger en sont conscients.

Ils sont d’autant plus mal à l’aise, qu’ils savent que le départ de l’armée française du Sahel signerait la victoire des Djihadistes, car aucune de leur armée n’est capable de leur faire face.

D’ailleurs n’eussent été Serval et Barkhane, il y a longtemps qu’un Califat serait né dans les entrailles du Sahel.

Entre les soldats des bases françaises installées dans leurs pays depuis les indépendances et une armée privée surentrainée et suréquipée (Bérets rouges, Gardes rouges, prétoriennes ou présidentielles, selon les pays), les chefs d’état africains qui n’ont jamais été intéressés que par leur propre sécurité et la pérennité de leur régime, n’ont jamais cherché à bâtir une armée digne de ce nom, capable de protéger et défendre l’intégrité du territoire. Certains ont même à dessein maintenu une armée très faible par peur de coups d’état.

Mal formés, mal nourris, mal rémunérés, déguenillés, dépenaillés, dépareillés et mal fagotés, la majorité des soldats africains ne sont pas des hommes de tenue, mais des hommes en tenue. Tout le drame du Sahel réside finalement dans la subtile nuance entre les prépositions « de » et « en ».

 

Serigne Mbacké Ndiaye

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.